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Un peuple sans pays, les Kurdes

Peut-être que certains se souviennent de cette photographie accrochée sur le mur du lycée...
Une femme en tenue de combat, une arme à la main, au regard d’aigle et sourire aux lèvres. Cette combattante peshmerga, Gashaw Jaffar (photographiée par la photojournaliste Anastasia Taylor-Lind) qui se bat à la fois contre DAECH, contre la dictature en Syrie et pour l’indépendance des kurdes est, en quelque sorte, l'étendard d’une nation méconnue et écartelée.

carte kurdes.png

Un peuple sans pays

 

Si vous n’arrivez pas à trouver le Kurdistan – littéralement « pays des Kurdes » - sur une carte, rassurez-vous, il n’existe pas. Mais les kurdes, eux sont bien réels, écartelés entre quatre pays : l'est de la Turquie, le nord-ouest de l'Iran, le nord de l'Irak et l'est de la Syrie. Même s’il n’existe pas de recensements officiels, on compte entre 35 et 45 millions de Kurdes. Ils forment la plus grande nation sans état à l’échelle mondiale.

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(commons.wikimedia.org, carte des pays sur lesquels vivent les populations kurdes)

Les Kurdes forment un groupe très hétérogène, de part leurs différences de langue, de religion, de pays dans lesquels ils sont assignés. Ce peuple partage une identité ethnique, et défend une langue commune malgré les différents dialectes non inter-compréhensibles utilisés. Ils ne partagent pas une seule et unique identité religieuse ; bien que la majorité d'entre eux soient des musulmans sunnites, d'autres religions sont également pratiquées comme le chiisme ou le yézidisme.

 

Un désir d’indépendance chevillée au corps
La culture et la langue sont souvent les symboles d’une identité qui fonde une nation, idée que
défendent âprement les Kurdes, et ce, depuis des siècles. Comme le rappelle Kendal Nezan, « le sentiment d'appartenance à un peuple distinct, la conscience de la kurdité et du Kurdistan est très ancienne chez les Kurdes, qui sont une population autochtone du Proche-Orient et qui se considèrent comme les descendants des Mèdes [peuple voisin des Perses] de l'Antiquité. »

 

Malgré les multiples persécutions et répressions
Dès le XVIe siècle, la dispersion forcée des Kurdes dans d’autres régions que celles où ils vivent était déjà d’actualité, et elle continue malheureusement au XXe siècle. Interdits de leur langue, de leurs coutumes, déportés, emprisonnés, torturés, ils furent et sont opprimés en Turquie et en Syrie, massacrés en Irak, et « se sentent privés de leurs droits et exclus » en Iran, selon Shahram Akbarzadeh, un chercheur du Moyen-Orient.

 

Et les faux espoirs
Pourtant, au lendemain de la 1ère Guerre Mondiale, un projet d’état kurde indépendant est élaboré dans le traité de Sèvres de 1920. Il ne verra jamais le jour ... ne satisfaisant pas tout le monde, il est remplacé par le traité de Lausanne de 1923, qui lui ne mentionne plus d’état Kurde. Retour à la case départ.

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Le sentiment national se renforce et s’organise dans un Moyen Orient en crise.

Dans chaque état où les Kurdes sont implantés, des partis politiques indépendantistes différents existes. En 1978 en Turquie est créé le PKK, un parti marxiste et indépendantiste kurde. Les militants de ce parti, les peshmergas, comptent un grand nombre de femmes dans leurs rangs. En 1985, lors de la guerre du Kurdistan turc, près de 500 000 Kurdes sont déplacés dans l’Ouest de la Turquie. La présence de l’armée, la destruction de villages aux armes lourdes, l’exploitation des territoires empêche un retour des Kurdes dans leur région.

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photo de commons.wikimedia.org, trois peshmergas turcs

Le PKK possède un parti jumeau en Syrie, le PYD. Ce dernier contrôle en partie le Nord de la Syrie, délaissée par le gouvernement syrien après la guerre civile de 2012. L’Irak compte deux partis kurdes qui ont pris les armes ensemble contre le gouvernement irakien lors de la guerre Iran-Irak de 1980¹. Enfin en Iran, les Kurdes ont été très actifs dans la révolution iranienne de 1979² qui transforma le pays en une République Islamique. Ils ont mené une résistance de masse contre le régime, en se rendant visible dans la culture iranienne de l’époque. Le PJAK, parti kurde national, a dirigé ces révoltes.

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Et ailleurs
A cause des multiples répressions, beaucoup de Kurdes ont émigrés en Europe. La communauté kurde européenne permet de garder le contact avec le Kurdistan et de continuer à participer pacifiquement à la lutte pour l’Indépendance tout en éclairant l’Occident sur les persécutions dont sont victimes les Kurdes au Moyen-Orient. C’est grâce aux Kurdes installés en Europe que l’on doit un nouvel essor à la langue écrite, à la littérature et à la musique kurde qui sont interdites par exemple en Turquie.

 

De nouveau oubliés en 2020.
Début octobre 2019, Les soldats américains auparavant en place entre la Turquie et la partie kurde de la Syrie ont plié bagages, laissant libre l’armée turque de réprimer les combattants kurdes syriens positionnés à la frontière. Les Kurdes se retrouvent de nouveaux seuls après avoir servis aux forces occidentales dans la guerre en Syrie et contre l’état islamique.

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Cependant, ce grand peuple hétérogène et apatride, aujourd’hui encore écartelé entre plusieurs nations mérite de sortir de l'oubli.  Comme le rappelle Laurent Gaudé dans Badhina :

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« Ne vous fiez pas à nos visages marqués,

A nos regards de tourments,

Nous voulons encore le bonheur »

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Marie

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